Carnet de route

Le Petit Mont Blanc
Le 23/09/2018 par PHILIPPE Patrick
Il est près de 7h30 quand nous nous présentons à l’entrée du tunnel du Mt Blanc. Nous laissons coté français un ciel quelque peu ennuagé pour retrouver en Italie, un ciel uniformément bleu. Les plus hauts sommets du massif sur leur face sud reçoivent déjà le soleil. Nous nous engageons dans le Val Veny par la route qui mène au parking de la Visaille, 1680m. 8h30, après le café de Dédé, nous voilà chaussés et prêts à avaler les 1750m de dénivelé qui nous séparent du sommet. Lac de Combal, 1960m, et buvette du même nom. C’est ici qu’avec Gilles, Antoine et André nous quittons la route qui conduit au refuge Elisabetta.
Nous marquons un petit arrêt pour apprécier le paysage qui nous entoure. La luminosité de ce début d’automne exalte les tonalités. Face à nous sous la Crête de l’Arp, les versants enherbés comme dans le fond de la vallée, les nuances de rouge, de brun, d’ocre et de rouille se mêlent aux variétés de vert. Au loin, les Pyramides Calcaires, qui marquent le col de la Seigne, s’illuminent au soleil. En contrebas, les eaux du lac Combal, se teintent d’argent et semblent vagabonder au milieu des herbes de cette vaste zone humide. Sous le versant Italien du Mt Blanc, l'aiguilles Noire de Peuterey émerge de l’ombre et se dresse majestueusement. Difficile de décrire ce que nous ressentons. Le panorama qui s’offre à nous est juste très beau. Des motifs d’émerveillement, bien que maintes fois vécues, s'offrent encore à nous.
Nous reprenons notre marche. Dédé nous raconte que son fils a bivouaqué deux nuits sur l’arrête des Aiguilles de Peuterey avant de rejoindre, en solo, le toit de l’Europe. Que l’accès, au delà de son aspect technique, nécessite de nombreuses descentes en rappel. Le sentier dans sa première partie emprunte la moraine glacière avant de bifurquer sur le versant rocheux dont le point culminant est le Petit Mt Blanc. Au creux de la combe qui sépare l’aiguille de Combal (2839m) et le Mt Suc (2738m) coule un ruisseau que nous traverserons vers 2400 m pour monter rive droite de celui-ci. A compter de ce point, le chemin se redresse sérieusement. La marche se fait plus lente, des blocs rocheux instables nous obligent à redoubler d’attention. Des petits pas d’escalade sont rendus nécessaires pour franchir des paliers rocheux. Bien qu’il nous faille être attentif, le parcours ne présente aucune difficulté voire il devient ludique et agréable. Un nombre important de ronds jaune balise le parcours. Il suffit de lever la tête régulièrement, bien observer pour ne pas se tromper d'itinéraire. Cela fait bientôt 2h45 que nous marchons lorsque nous apercevons le bivouac Gino Rainetto (3046m). Nous nous y arrêtons quelques instants pour grignoter et pour y laisser quelques affaires que nous jugeons inutiles (chaussures basses, bâton, etc… mais j’y reviendrai ultérieurement) d’emmener au sommet. Bien que l’intérieur soit minimaliste en terme de confort, l’endroit donne envie de s’y arrêter pour y passer la nuit. Face au bivouac, le Mt Blanc. Celui-ci commence à se coiffer d’un lenticulaire. L’extrémité de la langue glacière se trouve à une centaine de mètres de distance du bivouac. Nous la rejoignons pour chausser les crampons. Nous évoluons en zig zag sur la partie en glace du glacier. Pas de signe de crevasse. La pente y est régulière. Dernier ressaut de glace et nous voilà arrivé au pied de l’amas rocheux qui constitue le sommet du Petit Mt Blanc. Plus qu’une trentaine de mètres à escalader sans crampons pour atteindre les 3430m de son sommet. Les blocs y sont instables et nécessitent une fois de plus que nous nous concentrions sur la montée comme nous devrons le faire pour la descente. Nous serons les premiers au sommet pour cette journée. Heureux d’y être. Le Mt Blanc disparaît dans les nuages. L’aiguille des Glaciers, celle de la Lée Blanche et de Tré la tête ne nous ont jamais été aussi proches. Dédé, le doigt tendu vers l’horizon, nomme les sommets les plus connus. Antoine et Gilles scrutent le glacier Miage et celui des Dômes à la recherche du refuge Gonella et l’itinéraire qui conduit au Mont Blanc. Derrière nous, au col de Seigne tout comme sur les massifs, les nuages s’accumulent. Il est 13h lorsque nous décidons de redescendre jusqu’au bivouac pour cette fois manger.
Episode du bivouac.
-Mon bâton ? On m’a piqué mon bâton dans le bivouac? S’écrie Dédé.
-T’es sûr ? T’as bien regardé ?
-Il était là avec mon maillot et mes chaussures ? Avec Gilles nous fouillons le bivouac. Bon, vu le volume à deux il nous faudra une poignée de seconde pour confirmer cette fâcheuse évidence. J’avais bien entraperçu un bâton en bois ainsi qu’une pelle sous un des lits mais vu l’Dédé j’ai vite compris que le temps n’était pas à la plaisanterie. Deux jeunes, peut être des italiens, sont immédiatement questionnés par Antoine.
Nous commençons à manger, tout en déblatérant sur ces abrutis qui piquent même en montagne et qui mettent à mal le dicton savoyard qui dit « près des cimes loin des cons ». Si la colère est mauvaise conseillère elle a de bon qu’elle accélère la mastication et permet des conversations parfaitement audibles la bouche pleine. Le sujet des vols en montagne occupe une grande partie de notre pause. Sont-ce des gens qui descendaient ou sont-ce des gens qui montaient qui ont pris le bâton ? La réponse nous viendra rapidement lorsqu’un italien arrive. Gilles lui saute dessus rejoint par le propriétaire du bâton.
-C’est mon bâton. S’exclame Dédé. You speak french !
-Oui répond l’homme.
-C’est mon bâton et toi tu rentres dans le bivouac et tu te sers ! reprend Dédé après avoir repris avec détermination son bien.
-Ma qué zé croue qué c’était au bivouac !
-Donc pour toi les chaussures, le maillot c’est au bivouac et on peut se servir ?
A cette question et vu le visage du voleur, j’ai vite compris que les chaussures n’étaient pas sa pointure.
-Ma qué zé m’excouse.
Le « bon ça va il s’excuse » de Dédé voulait plutôt dire « dégage ». Antoine se fend d’un « connards » pour accompagner son départ. Dédé nous invite à la retenue.
Il ne nous faudra pas trop tarder pour redescendre et rejoindre la voiture car le ciel se couvre de plus en plus. Pour la descente nous empruntons le chemin de la montée. Vu le profil de la course il nous faut pratiquement autant de temps pour redescendre que le temps qu’il nous en a fallut pour monter.
Au bar du petit du village d’Entrèves, nous savourons une bonne bière ponctuant ainsi notre sortie.
Les photos sont classées dans l'ordre chronologique de la sortie.